lundi 16 mars 2009

Anxi Tie Guan Yin : M3T Vs. ThDC... la suite.

ATGY "Impérial" et ATGY "N°8"

Ces dernières semaines, j’ai fait quelques tests comparatifs entre deux ANXI TIE GUAN YIN (voir mon billet du 16 février). Faire des comparaisons entre des thés qui se ressemblent est une activité des plus instructives pour bien comprendre des thés et percevoir ce qui fait leur singularité. C’est un peu comme quand on veut comparer deux couleurs qui se ressemblent très fort, il suffit de les mettre côte à côte pour percevoir aisément ce qui les caractérise en propre.

Ici on aura en présence, « n°8 » (Maison des Trois Thés) et « impérial » (thés de chine). Tout deux proposés à un prix d’environ 25 euros les 100 gr.

Voici mes premières impressions faites sur base du protocole évoqué précédemment (2 gr –5’ en Zhong). J’y ai rajouté d’autres explorations en gong fu cha « classique » en théière taiwanaise (15 cl) pour pouvoir confirmer mes impressions premières : avec « temps longs » ( 6 gr avec une suite démarrant à 1’30), avec « temps courts » (7,5 gr avec une suite démarrant à 45’’ ) .

"Impérial" et "N°8"

Tout d’abord, première observation comparative, l’aspect extérieur visuel et olfactif des feuilles.

Impérial présente des feuilles roulées de grosseur moyenne d’un vert très foncé, assez sombre, une belle régularité des perles les unes par rapport aux autres. N°8 présente des perles plus pâles, avec plus de différences de couleurs, elles vont du vert pâle un peu jaune à de notes plus foncées, aussi plus irrégulier dans le calibre des perles.

Autre constation qui s’impose avec évidence,les feuilles sèches d’Impérial ont un parfum beaucoup plus intense et présent. Il évoque les fleurs printanières typiques des ATGY peu oxydés. Le parfum des feuilles sèches de N° 8 est beaucoup plus timide et ténu, et ce qu’on perçoit évoque d’avantage les végétaux séchés.

Une fois les feuilles infusées, cette différence de teinte persiste. Impérial a des feuilles vert foncé assez uniforme tandis que les feuilles de N°8 sont plus pâles avec des nuances plus jaunes, plus kaki. Ces dernières sont aussi plus irrégulières, moins « jolies ».

Les liqueurs dans les pots de réserve présentent aussi déjà une différence : plus verte pour Impérial et plus jaune pour N°8.

Quelles conclusions déduire de ces observations ? D’une manière rigoureuse, je n’en sais rien. Spéculativement, je dirais qu’une différence dans la teinte vient peut-être de la maturité des feuilles utilisées, de leur qualité, de la manière dont elles sont oxydées, de la manière dont elles sont roulées, séchées… pas évident de savoir.
Le fait que des feuilles sèches sentent peu n’est pas nécessairement négatif . Au contraire, j’aurais même tendance à penser qu’un thé bien fabriqué et bien stabilisé (cad, qui va bien se conserver) sentira peu… (Je dis ça car j'ai tendance à penser que si on sent des parfums, ce sont des molécules aromatiques qui s'échappent du thé et qui n'y seront plus avec le temps...)

Quoi qu’il en soit à la dégustation proprement dite, la différence entre ces deux thés est vraiment manifeste.


"Impérial " (Gauche) "N°8" (à droite)

Ensuite, la dégustation :

Le pot de réserve, les tasses à sentir, la tasse à boire présentent des parfums aussi très différents :

Impérial a un parfum beaucoup plus intense. Des notes complexes de fleurs printanières typiques des ATGY – lilas, jacinthes, muguet… un parfums avec beaucoup de fraîcheur et de finesse. Avec une belle évolution en refroidissant. On a vraiment le sentiment de sentir une fleur fraîchement éclose ( difficile de décoller le nez du pot de réserve vide). Il y a aussi une dimension végétale assez présente dans cet Impérial, quelque chose qui évoque les feuilles vertes fraîchement froissées dans la main, de la chlorophylle, de l’herbe coupée. Aussi un rien de fruité dans l’évolution, de la douceur un rien sucrée.

N°8 donne aussi des notes printanières fleuries mais d’une manière très différente : un parfum moins vif et moins frais, plus « solaire ». Pour les différencier, on peut mobiliser cette comparaison : la parfum d’Impérial est plus proche du parfums des fleurs après une averse, tandis que celui de N°8 ressemble plus à celui des fleurs par une après-midi ensoleillée. L’un est plus frais, plus « cru », l’autre possède des caractéristiques plus « chaudes » et plus « sucrées », N°8 me fait penser au parfum de la nature réveillée et réchauffée par un doux soleil printanier. N°8 se rapproche aussi d’avantage des fleurs séchées (proprement). J’y perçois aussi des notes un peu zestées, citronnées, qui donnent un belle fraîcheur. On y trouve aussi une dimension végétale qui me fait penser à des plantes comme le persil ou le cerfeuil (mais pas trop sûr de la référence).
Comparé à impérial, N° 8 présente un caractère plus « sucré », qui me fait penser à des bonbons (un peu comme ceux de l’Abbaye de Flavigny ), un aspect plus « doux » et « confit ». Globalement, c’est bien harmonieux et équilibré.

En bouche, il me semble que les tannins de N°8 sont un peu plus présents et moins bien enrobés. On les sent immédiatement en bouche accompagné d’une infime amertume mais cette sensation évolue vite vers une sensation douce et « sucrée », assez plaisante. N° 8 a une très belle persistance en bouche.
En première approche Impérial semble plus lisse et plus gras en bouche, mais la sensation évolue assez vite vers des notes plus végétales. Ca persiste aussi très bien, les notes fleuries qui évoluent vers le végétal (feuilles vertes froissées), une sensation tannique se manifeste mais plus tardivement après avoir avalé.
Ce qui est curieux à constater c’est que ces profils d’évolution sont quasiment antagonistes. Je trouve que ce qui fait la qualité de N°8 est sa persistance en bouche très sucrée et agréable, tandis que impérial brille surtout par ses intenses parfums très frais et fleuris.

Au fil des infusions, on peut constater que impérial est beaucoup plus riche et endurant, plus concentré en substances aromatiques. La plus grande concentration d’Impérial fait que la longue infusions donne un résultat un peu plus saturé que le N°8, ce qui peut nuire un peu au plaisir et donner l’impression qu’il est plus amer. Des explorations en gong fu cha classique permettent de mieux se faire une idée des qualités intrinsèque du produit, et notamment, en ce qui concerne les profils d’évolution en bouche (qui on tendance à se mélanger quand on déguste en parallèle). Autre constatation, ce genre de ATGY ne gagne pas vraiment à être poussé en durée, des infusions assez courtes conviennent mieux à l’expression des parfums.

Bref, on a deux thés assez différents. Deux esthétiques différentes aussi à mon avis. Il semble que M3T ai privilégié un thé avec une belle expression du « Yun » ( la persistance en bouche) tandis que ThDC a privilégié des parfums très intenses, floraux et frais. Peut-être que ces différences proviennent de choix de fabrication différents ? Cependant, il semble que la matière première de l’impérial ai un meilleur potentiel aromatique…


Chers lecteurs et lectrices, si vous avez goûté ces 2 thés (et je sais que certains d’entre vous les connaissent), je serai très intéressé d’avoir vos impressions !

5 commentaires:

Soïwatter a dit…

Je ne connais pas l'impérial mais le n°8 est un thé que j'apprécie beaucoup.

A la vue des feuilles infusées, on remarque bien que l'oxydation est plus poussée sur le thé de la M3T (contour rouge bien présent sur les feuilles), ce que j'avais bien remarqué lors de ma présentation de ce thé en octobre (Mais il s'agit surement pour moi d'un thé de l'automne 2007... Donc pas le même batch, à la vue des photos, le tien semble même plus oxydé que le mien).

Ceci montre deux philosophies différentes de fabrication et peut certainement expliquer les différences aromatiques des deux thés.

J'avais aussi bien noté cet aspect bonbon du n°8 (ce qui semble être la logique dans le choix des thés de cette série ou dans la fabrication par le producteur)

Anonyme a dit…

Ce n°8 est carrément une récolte différente : si j'ai bien tout compris, il s'agit d'une deuxième récolte effectuée en automne 2008 sur le même jardin que pour le "premier" n°8.

Intéressant à comparer aussi avec la réf. 415 de cet automne de ThésdC.

vs le 427, un profil bien distinct en effet.

j'apprécie beaucoup les 2.
Je suis plutôt pratiquante des infusions démarrées à 35s/40s pour les anxi tie guan yin, il me semble que leur complexité aromatique mais aussi la relative rapidité de la sortie des arômes est favorable à une dégustation "analytique". "relative" toutefois, même si à 20s ou 25s on a quelque chose, il est +intéressant de laisser un peu le temps. En revanche, les temps prolongés (plusieurs mn) sont mieux sur des infusions plus tardives.

infusé assez court, ce 8 sort en première liqueur des notes végétales et séveuses très agréables ; la 2e liqueur s'oriente ensuite vers le chemin floral/sucré, lequel se confirme ensuite et se recompose dans les suivantes.

mais le choix de la terre est sans doute une opportunité de jouer différemment sur les temps.

amusant de mettre juste qq perles dans un zhong et de laisser traîner l'infusion en longueur...

ThésdC a aligné cet automne 08 4 références toutes très qualitatives.
Je trouve très bien que la m3t ait aligné un anxi tie guan yin plus accessible et offrant le caractère d'un vrai bon.

T.alain a dit…

Quel billet....
J'ai acheté a nouveau la semaine derniere 150 gr de 405.un peu moins complexe que l'imperial mais quand même superbe...je crois que ces deux thés sont issus du même jardin...et même dans cette qualité là..c'est du tout bon...et à un prix de 10€ moins cher...Parfait pour un thé du quotidien.Et ce qui me permettra de faire des temps longs que je n'ai tjs pas testés sur ce thé.
Je ne connais pas le n°8 et tres peu l'imperial (échantillon) mais Ton billet est tres interessant et cette comparaison bien instructive...pourrait on dire que l'un est un thé de bouche et l'autre un thé de nez...personnelement j'aurais tendence à preferer le nez...la tasse à sentir me donne trop de satisfaction...d'un autre coté on reproche parfois aux ATGY leur exubérance alors privilégier la texture et la tenue en bouche est peut etre un élément de choix...ces deux thés,c'est un peu une dégustation comme dans un kaléidoscope...même materiel,ou presque...on remue et on a pas la même image...on a affaire aussi a une question de terroir...tous les bordeaux sont differents,peut etre aussi d'heure de cueillette matinale pour l'imperial peut etre un peu plus tardive dans la matinée pour le n°8...
Merci en tout cas...

John a dit…

... et ces numéros (6, 8) correspondent à quoi svp ?

thomas a dit…

Les numéros?

ce sont les doux noms auxquels répondent ces thés...

ce sont les numéros qui distinguent les différents Anxi Tie Guan Yin présents sur la carte de la Maison des Trois Thés à Paris.